Vous demandez sans doute comment donc j’ai pu reconnaître qu’il était présent, puisque ses voies sont si incompréhensibles; mais il est vif et efficace, et aussitôt qu’il est venu en moi, il a réveillé mon âme qui dormait, il a remué, amolli, et blessé mon coeur, qui était dur comme la pierre et malade. Il s’est mis aussi à arracher, à détruire, à édifier, et à planter, à arroser ce qui était sec, à éclairer ce qui était ténébreux, à ouvrir ce qui était serré, à enflammer ce qui était froid, à redresser ce qui était tordu, et à aplanir ce qui était rude et raboteux, en sorte que mon âme bénissait le Seigneur, et tout ce qui est en moi glorifiait son Saint Nom, C’est donc ainsi que le Verbe Époux, en entrant quelquefois en moi, ne m’a fait connaître son entrée par aucune marque, ni par la voix, ni par la figure, ni par la démarche. Enfin je ne l’ai connu par aucun mouvement de sa part, je n’ai aperçu par aucun de mes sens, qu’il se fût glissé dans le fond de mon âme. J’ai seulement reconnu sa présence par le mouvement de mon coeur, comme je l’ai déjà dit, j’ai remarqué la puissance de sa vertu par la fuite des vices, et par l’amortissement des passions qu’elle opérait en moi. J’ai admiré la profondeur de sa sagesse dans la discussion et la réprobation de mes fautes secrètes, j’ai éprouvé sa bonté et sa miséricorde par un amendement de ma vie, j’ai découvert, en quelque sorte sa beauté infinie par le renouvellement et la réformation de mon esprit, c’est-à-dire de mon homme intérieur: en regardant toutes ces choses ensemble, j’ai été surpris d’étonnement de sa grandeur incompréhensible. (S.Bernard)